Les marins se relèvent tandis que résonnent les sirènes d'incendie et que les équipes de sécurité courent dans tous les sens, au milieu des cris des blessés et du bruit assourdissant des déflagrations. Les regards échangés dénotent un sentiment d'inquiétude. La même question est sur toutes les lèvres : le Japonais a-t-il raté son attaque ou s'est-il délibérément écrasé ? Les deux autres chasseurs ne tardent pas à leur fournir la réponse. Cette fois, la DCA ouvre le feu. L'un des deux est touché de plein fouet. L'autre, également touché, est dévié de sa course. Il se dirige vers le Sangamon, mais percute l'eau avant d'atteindre sa cible.
Il n'y aucun doute possible, ces piqués à la mort ne peuvent être que volontaires. Les marins américains ont déjà eu l'occasion à différentes reprises d'être confrontés à ce type d'attaque, mais il s'agissait d'actes isolés perpétrés par des pilotes dont l'avion avait été trop fortement endommagé pour qu'il puisse retourner à sa base ou à son propre porte-avions. Dès le 7 décembre 1941, à Pearl Harbor, un avion japonais dont les réservoirs d'essence avaient été crevés s'était précipité sur le porte-hydravions Curtiss et un autre avait visé un hangar à Kaneohe. Mais, cette fois, il est clair qu'il ne s'agit pas d'actes circonstanciels, mais réfléchis et délibérés.
Entre-temps, un sous-marin japonais, le I-56, a fait son apparition sur la scène, ajoutant un peu plus à la confusion ambiante en logeant une torpille dans la coque du Santee.
Il est 07H50 quand les vigies du porte-avions Sangamon repèrent en visuel quatre chasseurs japonais arrivant par le sud-ouest. Ceux-ci se comportent de manière quelque peu déconcertante, semblant peu s'intéresser aux nombreuses proies qui s'offrent pourtant à eux sous la forme de lourds bombardiers-torpilleurs en train de décoller d'autres porte-avions. Un nuage les cache un moment au regard des guetteurs américains. Au débouché, trois d'entre eux partent en piqué accentué, tandis que le quatrième conserve son attitude et se met à décrire des cercles, visiblement observant la scène avant de prendre une décision.
À bord du porte-avions Santee, les servants de DCA n'ont pas le temps d'armer leurs canons que l'un des chasseurs est déjà sur eux. À leur grande surprise, alors qu'il aurait déjà dû larguer la bombe qu'il porte sous le fuselage et entamer sa ressource, il maintient son piqué. Sur le pont, dans un suprême réflexe, tout le personnel se jette à plat ventre. Le chasseur japonais percute le porte-avions dix mètres devant l'ascenseur arrière, pénétrant jusqu'au pont inférieur par une brèche de trois mètres. Le bâtiment vacille sous le choc. En explosant, la bombe cause une déchirure de huit mètres dans le pont du hangar, entraînant une série d'incendies et de nouvelles détonations.